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Saberlight trouve enfin sa place chez Team Liquid
Saberlight, offlaner de Dota 2, se confie sur les problèmes qu’il a rencontrés avec Shopify Rebellion, sur le système et les routines de Team Liquid et sur les conseils reçus de BuLba.
Difficile de trouver un joueur plus exubérant que Jonáš « SabeRLight- » Volek. La carrière de l’offlaner tchèque a commencé en Europe, avant de décoller dans le circuit pro d’Amérique du Nord, lorsqu’il a rejoint les équipes d’élite TSM et Shopify Rebellion. Au-delà de son jeu, Saberlight gagne le cœur des fans à chaque entrevue ou diffusion en continu. Sur la scène pro, impossible de trouver plus drôle que lui!
Cette année, cependant, Saberlight a franchi un nouveau cap en rejoignant Team Liquid, qui vient de remporter le tournoi The International (TI), et en remplaçant l’un des offlaners les plus techniques de Dota. Cette arrivée dans l’équipe a d’ailleurs été mouvementée, mais malgré les deuxièmes et troisièmes places et les défaites frustrantes, Saberlight et TL ont toujours su garder leur bonne humeur. Et ils ont prouvé qu’ils savaient s’adapter et construire un système solide. Dans cette entrevue, le joueur nous raconte comment il a été intégré avant même de faire complètement partie du groupe.
Comment avez-vous rejoint Team Liquid?
Il y a un ou deux ans, Fly a quitté Shopify et il a fallu restructurer l’équipe. On voulait participer à l’ESL One Kuala Lumpur, mais on n’a pas réussi à passer les phases de qualification. Heureusement, une amie qui était proche de 33 m’a appris qu’il ne pourrait pas se rendre à Kuala Lumpur parce qu’il avait un problème de visa. J’ai eu l’info avant tout le monde, alors j’ai tout de suite envoyé un message à Blitz pour lui dire que je voulais remplacer 33. D’après ce que j’ai entendu, l’équipe n’était pas très enthousiaste à l’idée que je les rejoigne, mais ils ont quand même accepté.
J’ai beaucoup appris sur le fonctionnement des équipes [avec Team Liquid] et j’ai essayé de reproduire ça avec Shopify, mais ça n’a rien donné. Je savais que si l’occasion se présentait, je rejoindrais Team Liquid.
Aydin [Insania] m’a dit que 33 souhaitait quitter l’équipe juste avant le début de TI. Quand est-ce que vous l’avez appris? Et comment?
Je l’ai su avant qu’il ne quitte l’équipe.
Si je me souviens bien, Team Liquid et 33 ont décidé de se séparer après la deuxième saison d’Elite League. C’est une décision étrange, parce qu’ils ont gagné le tournoi. Mais malgré les résultats, ça a été une période très stressante pour l’équipe. Avant TI, j’ai fait part à Blitz de mon envie de les rejoindre, et même si rien n’était confirmé, je savais que mon souhait allait probablement se réaliser.
Ils ont enchaîné les victoires à TI et j’étais très heureux pour eux, parce qu’ils méritaient vraiment de gagner. Je voulais que mes gars réussissent. Mais d’un autre côté, je les voyais remporter les parties et je craignais de plus en plus que 33 reste dans l’équipe, parce que je ne voyais pas pourquoi il déciderait de partir après une victoire à The International.
Selon vos propos, vous avez aimé passer du temps avec l’équipe, et vous vous y sentiez à l’aise. Qu’est-ce qui fait le succès de Team Liquid depuis ces dernières années? Qu’est-ce qui la rend si spéciale?
Je crois que la plus grande force de l’équipe repose sur sa composition : chaque joueur est incroyablement talentueux en plus de savoir travailler en équipe. Beaucoup de joueurs Dota sont très doués, mais ne sont pas nécessairement de bons coéquipiers, contrairement aux gars de Team Liquid. On apprend ensemble, alors quand vient l’heure d’affronter d’autres équipes sur Dota, tout le monde peut briller. C’est très fluide.
Avant de rejoindre TL et de devenir remplaçant, vous aviez arrêté les compétitions pour publier du contenu. Vous avez fini par faire équipe avec Gorgc pour les phases de qualification de The International. Est-ce que votre manière d’appréhender les choses a changé depuis votre pause? Qu’est-ce qui était le plus dur entre produire du contenu et jouer en compétition?
C’était une période vraiment intéressante pour moi, même si ce n’était pas vraiment un choix. Chez Shopify, on avait tous une approche différente du jeu et du travail en équipe. La situation a fini par se détériorer et tout est devenu très mécanique : on recevait notre salaire, on participait à des tournois, et on recommençait. J’avais l’impression qu’on ne voulait pas vraiment gagner.
Je ne voulais plus faire partie de cette équipe, alors je l’ai quittée.
J’espérais en intégrer une autre, même temporairement, en tant que remplaçant pour TI ou les Riyadh Masters, mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Alors, j’ai choisi le plan B : jouer en diffusion, me détendre, faire une pause. Satisfactory venait de sortir, donc j’ai publié beaucoup de contenu sur ce jeu. Je passais le reste de mon temps à faire des parties publiques pour être le meilleur agent libre possible, au cas où une équipe aurait besoin de moi. Heureusement, je participais aussi à la deuxième saison d’Elite League [avec Shopify], et ça me plaisait.
Quand je pense à Saberlight, je pense à votre intro YouTube, où vous sautez et tournez à l’annonce de votre personnage. Est-ce que vous pensez que votre personnalité joyeuse apporte une bonne ambiance dans l’équipe?
Je joue à Dota parce que ça m’amuse. Ce n’est pas pour l’argent.
Ce n’est pas pour rejoindre des équipes talentueuses. Je joue parce que ça m’amuse. Et c’est de là que vient cette personnalité exubérante, je ne me prends pas au sérieux. Alors, pourquoi ne pas apporter un petit grain de folie? C’est aussi ce qui fait de moi un bon coéquipier : je veux que les gens s’amusent en jouant, et mon attitude reflète cette façon de penser.
Puisqu’on parle de votre sens de l’humour, il y a bien une autre personne qui me fait mourir de rire : votre frère Jenik. Je le vois parfois apparaître dans des parties à MMR élevé. Est-ce qu’il a influencé votre parcours de joueur professionnel?
Oui, Jenik est incroyable. Il a trois ans de moins que moi, mais on a grandi en jouant à Dota parce qu’on partageait le même ordinateur portable. À l’époque, nos parents nous autorisaient deux heures de jeu vidéo par jour. Comme je suis le frère aîné, j’avais de l’avance sur lui et j’ai été le premier à débarquer sur la scène pro, et il a voulu faire pareil.
C’était il y a trois ou quatre ans, mais je pense qu’il n’était pas fait pour le grind au niveau professionnel. Il avait des difficultés à l’école, il était épuisé et n’avait pas le moral. Je pense qu’il voulait suivre mes pas et devenir pro parce que c’est ce que j’avais fait. Il a fini par choisir sa propre voie et il étudie à l’université pour devenir avocat. Il a une petite amie, il joue encore à Dota de temps en temps et il fait des apparitions dans des diffusions. Tout va bien pour lui.
Vous avez dit que votre personnalité joyeuse contribue à l’ambiance de l’équipe. Selon vous, comment devient-on un bon coéquipier? Quelle a été votre expérience avec Team Liquid?
Pour être un bon coéquipier, je pense qu’il faut se concentrer sur soi-même. Il faut s’assurer que l’on comprend le jeu, que notre stratégie tient la route. Il faut faire attention à ne pas faire échouer l’équipe à cause de nos propres problèmes et émotions. Une fois que vous êtes à l’aise, vous pouvez aider les autres. Et ça se manifeste de différentes façons. Par exemple, donner son point de vue sur la partie. Ou prendre le rôle de meneur pendant une partie. Pour répondre à la question de manière globale, être un bon coéquipier, c’est savoir s’adapter aux besoins de son équipe. Et ces besoins varient selon la situation. Parfois, il faudra faire preuve de patience et de compréhension avec ses coéquipiers, au lieu de les stresser alors qu’ils subissent déjà beaucoup de pression. Parfois, c’est le contraire : il faut se montrer dur envers certaines personnes pour s’assurer qu’elles se donnent à fond et ne se reposent pas sur leurs lauriers.
Je sais que vous avez beaucoup d’expérience et que vous avez reçu l’aide de vétérans du jeu. Quelles sont les qualités les plus importantes qui vous suivent chaque jour en tant que joueur?
Ce qui me vient à l’esprit, c’est l’importance de se créer une routine, et c’est BuLba qui me l’a appris. Actuellement, on est en vacances, alors je vis au gré de mes envies. Mais quand les tournois reprendront, je me réveillerai tous les jours à la même heure, j’irai à la salle, et j’aurai mon rituel avant chaque partie. Même quand je joue dans des parties publiques, je garde le même rythme. Je joue trois parties, je fais une pause, et j’en joue trois autres parce qu’on joue au meilleur des trois.
Je pense qu’Insania m’a appris à être un bon coéquipier sur le plan émotionnel. Je suis présent auprès des membres de l’équipe quand ils ont besoin de quelqu’un.
J’ai posé cette question à tous les joueurs pros que j’ai eu l’occasion de rencontrer ces derniers mois : avec du recul, que pensez-vous du système actuel?
C’est beaucoup mieux que la période que j’ai passé dans le circuit pro d’Amérique du Nord, qui, selon moi, était une vaste blague. On devait attendre un mois et demi avant de jouer avec une équipe sérieuse. J’aime le système actuel, mais il y a trop de tournois. Tout ce qu’on fait, c’est participer à des événements, voyager pour enchaîner les tournois, assister à des camps d’entraînement. Tout ça en boucle. Dans un monde idéal, lorsque les meilleures équipes font des pauses, les tournois devraient donner une chance aux plus petites équipes de s’affirmer.
C’est ce qui s’est passé à Lima : certains joueurs n’ont pas obtenu de visa et d’autres ont boudé le tournoi. Ça a permis à un groupe d’équipes sud-américaines d’intégrer la compétition alors qu’ils n’auraient pas dû y participer. Ces équipes de niveau inférieur acquièrent de l’expérience et permettent de diversifier le paysage du jeu vidéo. Je pense qu’à l’avenir, on devrait leur donner plus de possibilités pour qu’elles puissent se démarquer.